samedi 20 février 2016

Le cuir responsable


            Il ne faut pas se mentir. Le cuir est une industrie polluante, du moins lorsqu’elle n’est pas encadrée. Selon les chiffres, entre 85 et 90% du cuir produit mondialement est tanné au chrome. De plus, une grande partie de ce cuir est produite en Amérique du Sud et en Asie. Voici les détails que j’ai glanés afin d’éclairer les lecteurs de cet article et de les guider dans leur choix.

Stéphane Bourriaux Photographe
Pollution d'une nappe d'eau stagnante par le chrome héxavalent contenu dans le sol au New Jersey (USA)
Source : www.mindfully.org 




La pollution

           Comme expliqué en introduction, le tannage au chrome représente la majeure partie du cuir sur le marché. Ce procédé est plus rapide et facile à mettre en œuvre que d’autres méthodes à base d'extraits végétaux ou mixtes.
            Cependant, même si l'oxyde de chrome (chrome III) utilisé pour le tannage est naturellement présent dans la nature et dans l’organisme humain, à forte dose il devient toxique. De plus, ce même chrome III peut se transformer en chrome VI qui est extrêmement nocif (voir fiche toxicologique sur le site de l'INRS). Cette transformation peut se produire naturellement dans le sol.

Stéphane Bourriaux Photographe Cuir
Niveaux de pollution de la rivière Riachuelo en Argentine dus aux tanneries.
Source : http://hmf.enseeiht.fr


            Une étape spécifique du tannage au chrome, et que peu de gens connaissent, est le picklage. Afin que les sels de chrome agissent en profondeur dans les peaux, celles-ci sont trempées dans une solution d’acide sulfurique très concentrée. Cette étape génère des sulfures toxiques.
            Le principal problème est que dans les plus gros pays producteurs de cuir (Argentine, Bangladesh, Brésil, Chine etc.), les tanneries rejettent des eaux usées chargées en sels de chrome et en sulfures dans les rivières.

La sécurité des travailleurs

            Ne nous voilons pas la face, les pays émergents n’ont pas les mêmes normes de sécurité au travail qu’en Occident. Différentes étapes de la fabrication du cuir peuvent être dangereuses (manipulation d’acides et de bases fort(e)s, utilisation de machines etc.). De plus, dans des pays comme le Bangladesh ou l'Inde, faire travailler des enfants n’empêche pas les employeurs de dormir. 

"Dans la plupart des tanneries d'Hazaribagh  au Bangladesh (ici la fabrique de Lexco Ltd.) les mesures de protection des travailleurs contre les produits toxique sont dérisoires. " (JP Guilloteau/L'Express)

Voici quelques articles sur le sujet :

La qualité des peaux et le traitement des animaux

            Obtenir un beau cuir nécessite des animaux élevés dans des bonnes conditions, c’est-à-dire (entre autres) nourris convenablement, élevés en plein air et dans un environnement ou ils ne subiront pas de blessures (donc pas de mauvais traitement inutiles). Sachant comment les employés sont traités dans des pays comme le Bangladesh, il est peu probable que les animaux bénéficient de meilleures faveurs. On peut conjecturer que des prix bas impliquent des peaux avant tannage dont la qualité est possiblement très douteuse.
À droite, les marques laissées sur un cuir par du barbelé. Dans le Périgord, des exploitations bovines utilisent du fil lisse plutôt que barbelé pour produire une peau plus belle ( source : http://bovins-viande.reussir.fr/)

De nombreux cuirs disponibles sur le marché sont rectifiés, c’est-à-dire poncés pour obtenir une surface plus homogène et belle (voir l’article sur le cuir véritable pour plus de détails). Cependant, ce ponçage fragilise considérablement le cuir et le rend moins durable. Moins durable signifie plus de déchets et donc un encouragement à la sur-consommation de cuir bas de gamme. On est dans un cercle vicieux. Un article intéressant résumant la situation : http://www.rebelle-lion.fr/le-proces/condition-animale/habillement/cuir-et-souffrance-animale/.

Le coût du transport

            Faire voyager le cuir sur de longues distance a un coût financier, certes. Cependant, on entend suffisamment dans nos medias que le prix est aussi environnemental. Un cuir provenant d’Argentine, du Brésil ou d’Asie parcourt plusieurs milliers de kilomètres.

En Union Européenne.

            Produire du cuir en Europe coute cher. Nos ouvriers travaillent dans des conditions sécuritaires (équipements de protection, installations adaptées et machineries aux normes de sécurité). De plus, même si du cuir au chrome est produit ici, les tanneries européennes n’ont pas le choix de récupérer les effluents de leur production, de les laisser décanter dans des bassins spéciaux et ensuite de recycler l’oxyde de chrome récupérable et de neutraliser le reste avant de s’en débarrasser.
Ceinture Hermèes en veau Barénia. Les veaux utilisés sont élevés sous leur mère et non pas isolés dans des boxes comme c'est le cas dans des exploitations à l'étranger. (source : http://www.encherexpert.com )

Parmi les plus beaux cuirs que j’ai eu entre les mains l'un est issu de veaux français qui sont élevés sous la mère (veaux Barénia). D'autres viennent de Scandinavie (Norvège notamment) où les vaches sont laissées libres dans des prés. Il n’y a aucune clôture barbelée qui pourrait les blesser et elles se nourrissent naturellement d’herbe la plus grande partie de l’année. Les végétaliens trouveront toujours à y redire, mais on est loin de ce que l’on peut voir dans certains états américains.

Favoriser l’achat local


            Il est selon moi très important de faire des choix éco-responsables. Je monte actuellement mon entreprise de maroquinerie. Je fais le choix de n’utiliser que des cuirs tannés en France, en Allemagne et en Italie. Je favorise exclusivement le tannage aux extraits végétaux et provenant de vaches européennes. J’encourage donc les lecteurs à favoriser l’investissement dans des produits en cuir de qualité ou alors de se tourner vers d’autres matériaux textiles (fibres végétales entre autres) qui seront moins néfastes pour l’humain et son environnement.

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